Parcours

Issue d’une famille de 5 enfants, où l’art n’avait pas sa place, j’ai grandi dans la vallée de Chevreuse de l’époque :
des vaches pas loin, un jardin extraordinaire avec des arbres où je grimpais le plus haut possible pour m’isoler sous le regard d’une mère effrayée par mes trépidations. Je retiens surtout avoir grandi dans le jardin, plus à mon aise que dans l’institution scolaire où mon parcours fut certes bien rempli mais au final assez chaotique.

Esprit curieux et frondeur, je me suis souvent cognée contre les murs de l’interdit. Une écrivain US – Lionel Scriever – dit en résumé « seuls les rebelles peuvent créer, les autres n’ont pas grand-chose à exprimer, à transmettre, et restent dans le conformisme ». Je me reconnais dans cet anticonformisme.

Une première ligne d’étude aux forceps, des jobs me confrontant à la réalité économique, un retour à l’université à 30, une maîtrise à 33, un nouveau départ professionnel à 34, une grande école contre l’avis de tous à 40, enfin je trouve ma voie professionnelle et je mène ma barque comme Dirigeant de transition, tout en créant ma « tribu » professionnelle en 2002.

La différence se paie : femme de passion, le métier, les chevaux, le saxo, la moto et à 52 ans la sculpture. J’habitais alors une maison merveilleuse tout en verre dans un environnement fantastique fait d’arbres géants, d’un étang. Au bout de l’île au fond du parc face à la rivière : un atelier délaissé.

Il m’a fallu faire abattre trois arbres, dont un cinquantenaire. J’ai conservé 5 grands tronçons d’un mètre de haut et acheté une tronçonneuse. C’est ainsi que fortuitement, la sculpture m’est apparue. Après quelques tentatives qui remettent mes certitudes à leur place, je lance un appel sur internet où je sélectionne quelques ateliers parisiens « j’ai des pièces de bois, une tronçonneuse et maintenant, j’ai besoin d’un guide ». Un seul m’a répondu et pendant un an j’ai travaillé chez Paul Flury à Montreuil. Le bois ne se plie pas à mes volontés dans les volumes, il faut respecter un fil (difficile pour un esprit libre), je tourne en rond. Un stage chez Yann Guillon : c’est une révélation, la pierre est faite pour moi.

Entière et passionnée = un travail de forcené. Une première recherche sur le monde de l’eau, des abimes, ces créatures mouvantes et déformantes à qui les courants et les profondeurs donnent une structure qui se déforme.

Un départ aux USA et plus exactement à Chicago avec le double projet d’y travailler ma sculpture dans un cadre différent avec des professeurs américains plus ouverts, plus positifs, plus porteurs et de consolider mon anglais. J’aurais dû me renseigner un peu plus, il n’y a pas d’atelier sculpture sur pierre, ni d’artiste sur pierre, ni d’école, ni même de pierre. Je suis là pour 3 mois et j’entre dans une école de dessin très très classique. Bien des fois, j’ai pensé abandonner, mais j’ai tenu 3 mois et fait quelques progrès et découvertes qui m’ouvriront de nouvelles portes.

Si j’ai fait l’apprentissage du dessin classique, il me manque celui de la taille classique. Carrare, un lieu mythique pour un stage chez Zoran Grinbergqui m’entrouvre les portes du travail du marbre. Là, ce n’est plus la pierre qui commande le sujet mais l’artiste qui détermine son projet en toute souveraineté, puis cherche une pierre pour l’exécuter. Une remise en question importante que je mettrai du temps à assimiler. C’est dur le marbre, à tous points de vue, et il me faudra y revenir régulièrement chaque année pour me familiariser.

Les voyages prennent une place très importante : les USA, la Guadeloupe, Java, Bali, le Viêt Nam, le Cambogde, l’Italie, la Grèce, l’Espagne, La Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, Cuba… autant de cultures différentes, de sensations nouvelles et de rencontres qui m’ont peu à peu construite jusqu’à aujourd’hui. Rester curieux, rester attentif, conserver l’humilité nécessaire à l’intégration et à l’apprentissage pour mieux écouter, apprendre, s’intégrer.

S’ouvrir au monde qui nous entoure, le scruter dans sa diversité, se confronter, échanger sont des choses essentielles tout en gardant au coin de l’esprit la réplique reprise par jean Gabin « je sais, je sais… je sais que je ne sais rien ». Tout est « nourriture » pour un artiste. Depardon dans son reportage sur les mathématiques m’ouvre une nouvelle fenêtre : le chercheur travaille comme un artiste, il avance dans l’inconnu suivant une logique personnelle… et lui seul sait qu’il est sur une voie. Sur sa voie.

Chaque nouvelle pièce est une aventure… La suivante portera la précédente, pour aller plus loin, tout simplement, en goûtant le plaisir quotidien de la remise en question et de la prise de risques. Ma rencontre avec une pierre est toujours unique, et la complicité qui nous unit ressemble à une langue étrangère que nous seuls saurions parler. Moments de colère, de déprime, d’enthousiasme… sensations parfois fugaces, toujours intenses, que je tente de capturer et de retranscrire dans mes créations.

Enfin, le regard de l’autre, celui que je ne connais pas encore, dont j’attends le regard et vivre un échange pour mieux me comprendre dans ma démarche. Seule l’absence de réaction me chagrine.

L’art, la vie… ce subtil équilibre, encore et toujours en équilibre, l’artiste est un passeur, seulement un passeur.